Aude Turpault 5 bis

Quatrième de couverture, Gilles Verlant

"Franchement, Aude Turpault n'était pas jolie, à 13 ans.

Difficile d'imaginer qu'elle deviendrait un jour la ravissante jeune femme qu'elle est aujourd'hui. Seul indice, ses fossettes. Irrésistibles à celui qui savait les voir, à qui la faisait sourire, à qui la rendait heureuse.

Gainsbourg, esthète, peintre déçu, voyeur de première, les aperçut instantanément, lorsque la petite pisseuse qu'elle était eut l'outrecuidance de sonner à sa porte du 5 bis rue de Verneuil ; il la laissa entrer, elle et sa copine.

Le début d'une histoire d'amitié et de tendresse qui dura cinq années, entre une petite fanatique et son héros vieillissant, usé par l'alcool et les regrets, par la clope et le désespoir.

Pas de sous-entendu lolitesque dans cette relation très pure, pas d'équivoque ni de maladresse, ou presque.

D'un côté, une petite fille triste, en manque de père, en manque d'amour. De l'autre, une star dépassée par le monstre qu'il a créé, ce Gainsbarre qui lui bouffait sa lucidité plus sûrement que le cancer qui lui rongeait les entrailles. Et qui ne retrouvait l'équilibre mental qu'au contact de ses proches, de ceux qui l'aimaient sans arrière-pensée. Aude fat de ceux-là, et ce sont les cinq années de leur relation unique qui sont ici relatées. Avec une passion intacte, fidèle, pour toujours et à jamais."

Gilles Verlant.

Extrait

Quelques mois la séparent de sa majorité.

Presque cinq ans maintenant qu’elle a rencontré son ange gardien. La petite fille de treize ans qu’elle était alors lui semble loin, et pourtant si proche. Ses cheveux ont poussé, en même temps que son corps. Elle a tellement rêvé d’atteindre cet âge qui ferait d’elle une adulte qu’elle n’en ressent rien.

Un sombre dimanche, elle retourne, une rose à la main, dans cette rue qui lui a donné tant de bonheur. Entre ces murs, elle a appris tour à tour l’adoration, l’amitié, la tendresse, le partage, la gaieté, l’espoir, l’humilité, le bonheur, l’humiliation, la haine, la peur, la reconnaissance, l’amour, la tristesse. La vie.

Avant d’avoir eu le temps d’atteindre la porte, elle le voit sortir. Il est avec une fille et elle reconnaît ces yeux pleins de mélancolie. Elle avait les mêmes, quelques années plus tôt. Cette blessure dans le regard. Elle est triste comme ce temps de mars. Il a un peu vieilli. Il marche avec une canne. Et toujours son sourire plein de larmes. Il ne la voit pas et c’est mieux comme ça. Tout arrêter pendant que c’est encore beau. De peur que ça ne devienne tiède.

Vous ne direz rien, les filles ? C’était ce qu’il leur répétait tout le temps. Non, promis, elle ne dira rien.
Après qu’ils sont partis, elle dépose sa rose entre les grilles, jette un dernier regard sur le mur et part, sans se retourner. Vite, très vite. Elle court et a l’impression qu’elle va s’envoler.

Elle lui écrit une ultime lettre.
"Je t’aime mais ça ne fait rien. Ce n’est pas grave.
Je ne veux garder que les bons souvenirs, tout ce qu’on s’est donné. Ta perfection, l’éternité de ton sourire.
Tu as vieilli, ou bien est-ce moi qui ai grandi ?
Tu prends bien tes pilules pour le cœur ?
J’ai un peu mal, à gauche, mais ça va. Peut-être nous reverrons-nous, un jour ?
J’ai peur de ne pouvoir vivre sans toi, mais je vais essayer.
Ça va aller.
Merci pour tout…"

Il ne lui a pas répondu. Forcément, elle ne l’a pas envoyée.